07/04/2011
Immobilité
De retour de mon "voyage" dans le Lauragais, le Médoc et l'Albigeois, je retrouve Navacelles. Et emprunte, comme je l'ai fait tant de fois, le chemin qui s'élève en lacets sur le flanc nord du Cirque. Le village s'éloigne et les gorges se découvrent. Apparaissent alors leur tracé sinueux tout au fond et la rivière où la lumière printanière crée des brillances métalliques, et révèle les nouvelles frondaisons des arbres qui la bordent, dans leurs verts tendres et variés.
Je m'arrête près de deux pins, à mi-pente, et contemple le paysage.
Une fauvette pitchou chante dans les aubépines et les amélanchiers en fleurs. D'un arbuste à l'autre, elle dessine un cercle dont je suis le centre...
Les hirondelles de rochers tournoient près des falaises. Tracent des arabesques sur les pentes et captent la lumière par moments, parfois ensembles.
Quelque chose a bougé sur ma droite. Je tourne la tête et un écureuil roux s'immobilise sur le chemin. Il hésite, s'approche, quelques pas dansés...Son beau pelage joue avec la lumière ( les animaux sont en habits de noces à cette saison !)...Hésite, s'approche encore, s'immobilise quelques instants -assez longs pour que la rencontre soit tangible- Je peux voir ses yeux, et son corps étonnés et curieux. Puis d'un bond rapide et souple il saute sur le premier tronc et grimpe. Il s'élève d'abord au "revers", mais ne tarde pas à réapparaître, pour s'immobiliser à nouveau, analyser la situation, et constater qu'elle n'a pas changé - je suis toujours là immobile. Ayant évalué le danger -ou plutôt son absence, il redescend -devant moi médusée- sans précipitation et par petits bonds successifs, plantant dans un même temps les griffes de ses quatre pattes tenues écartées pour mieux assurer la prise. Et, d'un bond, à nouveau agile et gracieux, il disparaît dans les broussailles.
Sur la pierre plate, et le tronc rugueux, reste le souvenir palpable de cette rencontre...
Je m'arrête, au retour, près du grand platane dont les racines plongent directement dans la rivière. Dans une cavité du tronc, à quelques mètres au-dessus de l'eau, un couple de sitelles torchepots prépare son nid et transporte des brindilles. Cavité manifestement convoitée par un couple de mésanges charbonnières qui en l'absence des sitelles visitent le lieu et semblent s'interroger longuement...Mésanges chassées énergiquement à chaque passage des premières occupantes ! C'est cette poursuite qui avait attiré mon attention, et je n'ai pas quitté les lieux avant d'en connaître la raison...
Il n'y a pas d'intention malfaisante dans la nature. Il s'agit seulement de survivre. Face à l'adversité comment l'homme peut-il échapper à la barbarie ?
Dans la nature j'aime garder le silence et trouver l'immobilité. L'immobilité des pensées et des émotions qui n'exclue pas les mouvements du corps mais les rend plus souples et fluides. Intégrés car en harmonie avec l'oscillation des branches des arbres et des hautes herbes sous le vent.
Etre dans la nature, ancrée. Déposer le Regard sur les souffles du vent, recueillir les sons, les images. Seulement témoin de ce qui est, de ce qui advient.
Extrait de "Journal Nature 2011" de Joëlle Jourdan
16:47 Publié dans Ecoute chants oiseaux, Nature | Lien permanent | Commentaires (0)
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